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3 octobre 2017

« Veiller sur mes parents », le service de La Poste qui pose question

VSMP pour « veiller sur mes parents », c’est ce dispositif que La Poste a lancé dans toute la France en mai dernier, après une expérimentation dans plusieurs régions pilotes. Que La Poste utilise sa proximité et son réseau de facteurs, déjà en contact quotidien avec les personnes âgées, pour veiller sur elles, relève presque du bon sens. Mais la façon dont le service a été conçu suscite une série d’interrogations.

En fait, VSMP combine trois services : une ou plusieurs visites par semaine à une personne âgée, une téléassistance (sous-traitée à Europassistance) et une mise en relation avec un prestataire adapté en cas de pannes diverses. Et c’est sur le premier point que se concentrent les critiques.
Sur le prix d’abord, le service est facturé par abonnement. Passée l’offre de lancement, valable jusqu’au 31 décembre 2017 à 19,90 € par mois pour une visite par semaine, il faudra ensuite débourser mensuellement 39,90 € pour une visite par semaine, 59,90 € pour deux, 99,90 € pour quatre et 139,90 € pour six visites. Tout cela avant réduction d’impôt, car le service rentre bien dans le champ des services à la personne grâce à la création d’une entreprise distincte à l’intérieur du groupe La Poste, pour respecter la condition d’activité exclusive (tout en ayant recours aux facteurs qui ne sont pas salariés de cette entreprise distincte…). En comptant qu’un système de téléassistance classique coûte environ 20 € / mois, la visite hebdomadaire revient elle aussi à peu près à 20 € par mois, soit un peu moins de 5 € par visite. Quand on ramène cela au calibrage de cette visite par La Poste, de 5 à 7 mn, on est sur un coût horaire de 42 € à 60 €, des montants qui doivent laisser rêveurs les SAAD qui peinent à valoriser leurs services à 24 € de l’heure.
Certes, le service n’est pas le même, il vise ici à rassurer quotidiennement les enfants par message sur smartphone interposé, ce qui a une valeur en soi. Mais d’un autre côté, et c’est la seconde interrogation, le degré de professionnalisme des facteurs pour veiller sur la santé d’une personne âgée pose question. La formation de trois heures prévue, avec une partie en ligne, même conçue avec le gérontopôle « autonomie et longévité » des Pays de la Loire ne suffit pas à les transformer en professionnels de l’aide à domicile, mais peut au contraire brouiller leur identité professionnelle. Les représentants syndicaux des postiers sont d’ailleurs passablement remontés contre cette nouvelle offre. Il faut dire que l’absence de rémunération supplémentaire et de prise en compte de cette mission dans le planning des facteurs (même si La Poste dit que c’est intégré), ne sont pas de nature à les faire adhérer au concept.
Mais c’est sur le plan des principes que le lancement du service a subi le plus de critiques, sur ce qui s’apparente à une « monétisation du lien social » ou encore à une privatisation du travail d’agents du service public au profit de ceux qui ont les moyens de se le payer. Un buzz pas franchement positif, alors que d’un point de vue économique tout cela ne sera viable que si les Français âgés et leurs enfants adhèrent massivement à cette offre (en substitution ou en complément de celle des SAAD, cela reste à voir…). Après l’échec de l’enseigne Genius en 2006, après le projet Cohesio lancé en 2014, dédié aussi à la veille sur les personnes âgées par les facteurs, mais facturé aux collectivités et dont le décollage se fait toujours attendre, La Poste va-t-elle enfin avec VSMP réussir son entrée dans l’aide à domicile ? Il est encore trop tôt pour le dire mais force est de constater que son lancement ne fait pas consensus.

Patrick Haddad

 


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